Demande d’une enquête des Nations Unies sur le rôle de l’Italie dans la torture systématique des migrants reconduits en Libye.

Nous avons demandé au Comité des Nations unies contre la torture d’ouvrir une enquête sur le rôle de l’Italie dans la torture systématique des migrants reconduits en Libye. Dans notre requête, nous soutenons que la stratégie de l’Italie consistant à sous-traiter le refoulement des migrants à la Garde côtière libyenne (LCG) viole les engagements de l’Italie au titre de la Convention contre la torture. 

Depuis de nombreuses années, des rapports fiables font état de violations flagrantes des droits de l’homme des migrants détenus en Libye. Ces rapports émanent des organes des Nations unies (OHCHR et UNSMIL) et sont repris par les ONG actives dans le domaine des droits de l’homme (HRWAIMSF).

Le Comité contre la torture a lui-même constaté que la coopération de l’Italie avec la Libye facilite la torture des migrants par des acteurs libyens (CAT/C/ITA/CO/5-6, § 22). Des responsables gouvernementaux italiens et européens ont reconnu publiquement que cela se produisait.

Plusieurs organismes internationaux, dont l’UNHCR et l’OIM ont demandé l’arrêt immédiat de la reconduite en Libye des migrants secourus. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a appelé l’Italie à suspendre sa coopération avec le LCG.    



Contexte

    
Dans notre soumission, nous démontrons qu’en ramenant les migrants, la LCG agit au nom de l’Italie. Plus précisément, elle fonctionne grâce au soutien matériel et logistique complet de l’Italie, qui comprend des fonds, des navires, des formations et des structures de commandement et de contrôle. La surveillance navale et aérienne en temps réel dans la Méditerranée centrale est assurée par l’Italie directement et par le biais des programmes de l’UE auxquels elle participe. La coopération entre l’Italie et la Libye est régie par un traité bilatéral signé en 2017, dont l’objectif déclaré est d' »endiguer l’immigration clandestine » grâce à la mise à disposition de ressources italiennes aux « institutions libyennes chargées de la lutte contre l’immigration clandestine » telles que les « garde-côtes » (article 1).  

 
Sans ces ressources, la LCG ne serait pas capable ou désireuse d’intercepter les bateaux des migrants, ni même de les localiser dans sa propre zone SAR (Search and Rescue). Grâce à cette coopération, l’Italie a entièrement externalisé son contrôle frontalier à la Libye. Cela a permis d’intercepter et de reconduire de force environ 50 000 personnes dans des centres de détention libyens depuis le début de la coopération.

  
Le passage des « push-back » – impliquant la propre marine italienne et qui ont été déclarés illégaux par la CEDH dans l’arrêt Hirsi Jamaa – aux « pull-back », où l’Italie sous-traite la même activité aux Libyens, constitue une tentative pure et simple d’éviter les responsabiltés en vertu du droit relatif aux  droits de l’homme.

Demande d’enquête

   
Cependant, comme nous le démontrons dans notre soumission, l’implication de l’Italie à la mission de la LCG est si complète que l’Italie est elle-même devenue responsable de la conduite de la LCG en vertu des principes applicables du droit international. En raison du rôle décisif de l’Italie sur tous les aspects du programme d’interdiction de la Libye, l’Italie exerce un contrôle de facto sur les migrants en Méditerranée centrale et ses actions entrent donc dans le champ d’application juridictionnel de la Convention contre la torture à laquelle l’Italie est partie. 

 
Le Comité contre la torture est chargé de superviser le respect par les États de la Convention contre la torture, notamment en ouvrant une procédure d’enquête formelle en vertu de l’article 20 concernant les situations qui révèlent une pratique systématique de la torture par un État partie. À la lumière des informations soumises, nous demandons instamment au Comité d’ouvrir une enquête qui établira les faits et les responsabilités juridiques de l’Italie, et nous recommandons la cessation immédiate de toute collaboration avec les autorités migratoires libyennes impliquées dans des abus à l’encontre de réfugiés et de migrants.

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