La Suisse épinglée par le Comité contre la torture pour le renvoi d’un défenseur des droits humains du Zimbabwe

B.T.M. c. Suisse, CAT Communication no. 972/2019

Notre mandant est un avocat du Zimbabwe où il a défendu des opposants politiques victimes de répression du régime du Zanu PF. Il a été ciblé par les autorités de son pays en raison de ses activités professionnelles. Il a notamment subi des agressions en pleine rue et des menaces de mort.

Il dépose une demande d’asile en Suisse qui est rejetée par le SEM et TAF qui estiment que son récit est invraisemblable. Selon les autorités suisses, les preuves qu’il dépose constituent des « documents de complaisance », « facilement falsifiables » et sans valeur probante.    

Le CAT a considéré que la procédure d’asile devant le SEM et TAF souffrait de vices importants. En effet, le TAF avait statué à juge unique avec « seulement une appréciation anticipée et sommaire des arguments du requérant, sur la base d’une remise en question de l’authenticité des documents fournis, mais sans prendre de mesures pour vérifier » ces derniers. Selon le CAT, cette manière de procéder constituait un manquement à « l’obligation … d’assurer l’examen effectif, indépendant et impartial requis par l’article 3 de la Convention. » cf. § 8.7.  

Quant aux voies de droit ouvertes à notre mandant pour contester son renvoi, à savoir le recours au TAF et la demande de réexamen, le CAT observe que les instances Suisses n’ont pas appliqué l’effet suspensif à ces démarches et que « l’exigence des frais de procédure alors que le requérant se trouvait dans une situation financière précaire, l’a privé de la possibilité de s’adresser à la justice afin de voir son recours examiné par les juges du Tribunal administratif fédéral. » cf. § 8.7

Le CAT conclut que les voies de droit pour contester le renvoi étaient inefficaces et indisponibles et exige que la Suisse réexamine la demande d’asile conformément aux obligations procédurales découlant de l’art. 3 du CAT.  

A l’appui de ses conclusions, le CAT s’est référé à sa jurisprudence précédente concernant la Suisse, notamment l’affaire M.G. c. Suisse, Communication 811/2017 au para. 6.4.

Persécution des chrétiens en Chine : le Comité contre la torture des Nations unies épingle la Suisse

D.Z. c. Suisse, Communication n° 790/2016

Selon le Comité contre la torture de l’ONU, l’expulsion de notre cliente qui est persécutée par les autorités chinoises en raison de sa foi chrétienne, constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants.

D.Z. est devenue membre de l’Église de Dieu Tout-Puissant, un groupe chrétien qui professe l’Évangile de Jésus-Christ et l’omniprésence de Dieu. Elle a été baptisée en 2010. En 2014, les autorités chinoises ont réprimé leurs églises clandestines, arrêté et torturé les membres, dont une sœur de la congrégation de D.Z.

En 2015, D.Z. a demandé l’asile en Suisse. Sa demande a été rejetée par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) qui a estimé que son récit était « contraire à toute logique et à l’expérience générale ». De plus, selon le SEM, son identité, ses croyances religieuses et son appartenance à une église clandestine n’étaient pas connues des autorités chinoises au moment de sa fuite.

La requérante a contesté cette analyse. Elle a aussi fait valoir que les activités religieuses et son engagement politique relatif au respect du droit à la liberté de religion en Chine, exercés publiquement en Suisse, doivent être pris en compte dans l’évaluation de la légalité de son renvoi. En effet, ces activités ont certainement attiré l’attention des autorités chinoises.

Le recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) est rejeté car elle n’avait pas les moyens de payer l’avance de frais imposée par le Tribunal qui a estimé que ses arguments étaient voués à l’échec. D.Z. dépose une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme qui rejette ses plaintes dans une décision d’irrecevabilité non motivée.

Dans sa récente décision, le Comité contre la torture a noté que D.Z. avait dûment étayé les principaux aspects de sa demande et a observé que les autorités suisses n’avaient pas contesté l’adhésion de D.Z. à la foi chrétienne, même si elles avaient jugé que d’autres aspects de son récit manquaient de crédibilité. Le Comité a en outre noté que « l’incidence croissante de la persécution des chrétiens en Chine » était incontestée entre les parties, et a également fait référence à ses observations finales dans le cinquième rapport périodique sur la Chine, qui soulignaient « des rapports cohérents selon lesquels des membres de différents groupes, y compris des minorités religieuses, continuent d’être inculpés ou menacés d’être inculpés pour des délits définis au sens large comme une forme d’intimidation ».

Dans ces circonstances, le Comité a conclu qu’il serait raisonnable de supposer que le renvoi de D.Z. en Chine « l’exposerait au risque de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Le Comité a demandé à la Suisse de réexaminer sa demande d’asile et d’appliquer l’effet suspensif à la nouvelle procédure. La Suisse doit rendre un rapport au Comité dans les 90 jours sur les mesures qu’elle a prises pour mettre en œuvre cette décision. 

M.G. c. Suisse, CAT Communication n° 811/2017, 7 décembre 2018

Selon le Comité contre la torture, le renvoi de notre mandant de la Suisse vers l’Erythrée viole la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants des Nations Unies (CAT). Le Comité exige que la Suisse procède à une nouvelle instruction du dossier du requérant en tenant compte des risques dont il ferait face en cas de renvoi dans son pays d’origine. Cette décision remet en question les pratiques des autorités compétentes en matière d’asile concernant l’accès à la justice. Le CAT se réfère aussi aux nombreuses violations des droits humains qui ont lieu en Erythrée, un rappel qui questionne la pratique actuelle des autorités suisses relative aux décisions de renvoi vers l’Erythrée. Le CSDM estime que cette nouvelle jurisprudence apporte d’importantes clarifications concernant le traitement des demandes d’asile des ressortissants érythréens en Suisse.

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Adam Harun c. Suisse, CAT Communication n° 758/2016, 6 décembre 2018

Le renvoi du requérant vers l’Italie violerait la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (CAT). Selon le Comité contre la torture, l’expulsion exposerait le requérant à des conditions en Italie inadaptés à ses besoins spécifiques en tant que victime de torture, traitement que le Comité qualifie d’inhumain et dégradant au vu de ses lourds traumatismes physiques et psychiques. Le Comité rappelle le caractère impératif du principe de non-refoulement et que la privation de soins médicaux nécessaires à une victime de torture est constitutive d’un traitement inhumain et dégradant selon sa jurisprudence constante.

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A.N. v. Switzerland, CAT Communication no. 742/2016, 3 August 2018

The Committee against Torture held that the expulsion of an Eritrean torture survivor to Italy, where he risked being deprived of the medical care necessary to treat his physical and psychological trauma, and where he would face street destitution, amounted to breaches of Articles 3, 14 and 16 of the United Nations Convention against Torture and other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment. The Committee noted that the Swiss authorities had failed to properly assess the risks to the complainant, and that the precarious circumstances he would face in Italy would endanger his life and “leave him no reasonable choice but to seek protection elsewhere, exposing him to a risk of chain refoulement to his home country.” For further information, click here.

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