Des mécanismes internationaux au secours des droits fondamentaux

Billet de Dominique Bavarel (*) publié dans la rubrique Chroniques des droits humains du Courrier, 8 août 2017.

Le Centre suisse pour la défense des droits des migrants tente d’obtenir des changements de pratique en saisissant les mécanismes internationaux de protection des droits fondamentaux.

En Suisse, en matière de migration et particulièrement d’asile, les décisions des autorités et du Tribunal administratif fédéral – juridiction de première et dernière instance – se durcissent année après année. Des décisions de principe sont prononcées qui heurtent les droits fondamentaux des personnes parmi les plus vulnérables.

En 2014, est créé le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM). Il a pour vocation de porter des situations transmises par les bureaux de consultation juridique auprès des mécanismes internationaux de mise en œuvre des droits fondamentaux. Des problématiques similaires font jour dans plusieurs Etats européens, c’est pourquoi le CSDM entretient des relations avec des associations sœurs actives dans l’Union européenne. Une décision favorable de la Cour européenne des droits de l’homme entraîne des conséquences pour les autres Etats membres du Conseil de l’Europe.

Le CSDM a ainsi recouru auprès de la Cour européenne des droits de l’homme contre plusieurs décisions problématiques.

Celle-ci n’est toutefois pas le seul mécanisme international auquel il peut être fait appel. A titre d’exemple, des communications individuelles peuvent être adressées au Comité contre la torture (CAT) ou auprès du Comité des droits de l’enfant. Actuellement, plusieurs communications transmises par le CSDM sont à l’examen auprès du Comité contre la torture.

L’une des particularités du droit d’asile est la rapidité du déroulement de certaines procédures et l’obligation d’agir vite pour la protection des personnes concernées. Le CSDM soutient une famille pakistanaise, avec trois enfants mineurs, qui a introduit à l’automne 2016 une demande d’asile en Suisse. Plusieurs membres de cette famille, dont l’un des enfants en particulier, sont sérieusement atteints dans leur santé, tant sur le plan physique que psychique. La famille fait l’objet d’un suivi médical étroit.

Au début du mois de février 2017, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de la famille et confirmé la décision du mois de janvier 2017 du Secrétariat d’Etat aux migrations qui n’est pas entré en matière sur la demande de protection et a décidé le renvoi en Italie. Cette décision a été prononcée en dépit de rapports médicaux qui avertissent des risques de dégradations de l’état de santé, en particulier de l’un des membres de la famille, en cas de renvoi de Suisse en Italie. En mars 2017, le CSDM a adressé une communication au CAT en reprochant aux autorités suisses de ne pas avoir pris en considération la situation concrète de vulnérabilité de cette famille et des risques encourus en cas de renvoi en Italie, compte tenu de la fragilité du système de prise en charge dans ce pays confronté à la crise migratoire. Sitôt après, le CAT a demandé au gouvernement suisse de ne pas déporter la famille en Italie tant que la communication était en cours d’examen, ce que la Suisse a accepté. Actuellement, la procédure se poursuit au CAT.

En droit des migrations et d’asile, le nombre de décisions, l’accélération des procédures, la répétition de décisions schématiques conduisent à des situations individuelles dramatiques car les besoins spécifiques des personnes vulnérables ne sont pas pris en compte, les atteintes à la santé sont relativisées malgré les rapports médicaux et les liens familiaux ignorés.

Les mécanismes internationaux constituent le dernier rempart de protection. Les décisions ou recommandations prononcées par ces mécanismes doivent continuer à être mises en œuvre en Suisse si nous voulons demeurer un Etat de droit.

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* Membre du comité de l’Association des Juristes progressistes et du Centre suisse pour la défense des droits des migrants, avocat.