C.D. c. Suisse, CAT Communication no. 1077/2021

Le Comité contre la torture épingle la Suisse pour l’expulsion d’un journaliste colombien menacé d’exécution sommaire par un groupe armé

Notre client a reçu de multiples menaces de mort de la part d’un groupe armé insurrectionnel. En tant que journaliste, M. C.D. a rendu compte des efforts fructueux du gouvernement colombien pour réintégrer les membres démobilisés des FARC (suite à l’accord de paix en 2016) et a été placé sur une liste de cibles pour enlèvement et exécution par les  » dissidents des FARC « . Après la diffusion sur les médias sociaux du dernier documentaire de notre client, les menaces à son encontre se sont intensifiées et il a reçu des appels téléphoniques dans lesquels on lui disait que les dissidents des FARC étaient proches et qu’il serait assassiné pour avoir collaboré avec le gouvernement colombien.

Le Comité a estimé que les autorités suisses n’avaient pas correctement évalué les risques encourus par notre client et sa famille, qui comprend sa femme et ses deux enfants mineurs. En particulier, notre client avait présenté des preuves volumineuses et convaincantes de ses activités professionnelles en tant que journaliste et des menaces qu’il recevait à ce titre. Il avait pris plusieurs mesures pour se protéger et protéger sa famille, y compris en se cachant, qui n’ont finalement pas abouti, car les militants de la FARC ont pu le retrouver sur son lieu de travail.

Le Comité a rappelé que le principe de non-refoulement empêche les États d’expulser des personnes vers des pays où  » il y a des motifs sérieux de croire qu’elles risquent d’être soumises à la torture ou à d’autres mauvais traitements de la part d’entités non étatiques, y compris des groupes […] sur lesquels l’État d’accueil n’a pas de contrôle de fait ou n’en a qu’en partie, ou dont il n’est pas en mesure d’empêcher les actes ou dont il n’est pas en mesure de contrer l’impunité « . De plus, le Comité n’a pas cru que la fuite interne était une possibilité raisonnable pour M. C.D., car il est apparu que « le manque de protection est généralisé » en Colombie. Pour ces raisons, le Comité a conclu que l’expulsion de notre client violerait l’Art. 3 de la Convention contre la torture.

Pour lire la décision, cliquez ici.

Newsletter août 2023

Depuis sa création en 2014 le CSDM a remporté des victoires significatives auprès des instances internationales. Ces derniers mois ne font pas exception. Le Comité contre la torture des Nations Unies (CAT) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont rendu des décisions importantes en faveur de nos mandant.es. Ces dernières décisions sont susceptibles de changer la pratique des autorités suisses notamment dans le domaine du regroupement familial des réfugié.es admis.es à titre provisoire.

Pour en savoir plus, lisez notre dernière newsletter ici !

Victoire à la CEDH !

B.F. c. Suisse, Requête 13258/18

La Cour européenne estime que le régime suisse de regroupement familial ne peut exiger des réfugiés qu’ils « fassent l’impossible ».

L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme constitue une victoire majeure pour notre cliente, une réfugiée reconnue, et pour le droit fondamental de tous les réfugiés à être réunis avec les membres de leur famille immédiate en Suisse. Notre cliente a été séparée de sa fille pendant plus de 10 ans. La Cour européenne a estimé que le refus des autorités suisses d’autoriser le regroupement était disproportionné et violait son droit au respect de la vie familiale en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mme B.F. a fui l’Erythrée en 2012. Les autorités suisses lui ont accordé une admission provisoire (permis F) mais ont refusé sa demande de regroupement familial avec sa fille au Soudan au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions financières requises pour un tel regroupement. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et le Tribunal administratif fédéral (TAF) ont catégoriquement refusé de tenir compte du fait que notre cliente était en incapacité de travail attestée par un certificat médical, ce qui l’empêcherait d’être réunie avec sa fille, son état de santé n’étant pas susceptible de s’améliorer.       

Dans son arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme a noté que le régime de regroupement familial de la Suisse est « unique » en Europe parce qu’il distingue différentes catégories de réfugiés (permis B et permis F) dont seules les premières peuvent être réunifiées avec les membres de leur famille sans exigences supplémentaires.

La Cour a estimé que la Suisse ne pouvait pas imposer un obstacle absolu au regroupement familial par le biais d’exigences formelles. L’article 8 de la Convention européenne exige des autorités suisses qu’elles examinent toutes les demandes de regroupement familial de manière individualisée et sérieuse, en tenant compte des faits pertinents de l’affaire. La pratique actuelle de la Suisse consistant à émettre des refus généraux fondés sur le non-respect des exigences financières viole donc les droits fondamentaux des réfugiés dans la mesure où leur situation individuelle n’est pas prise en compte.

Dans notre cas, la Cour a estimé qu’elle n’était pas convaincue que les autorités suisses avaient « ménagé un juste équilibre » entre les intérêts en jeu et n’avaient pas correctement pris en compte le fait que Mme B.F. n’était pas en mesure de satisfaire à l’exigence financière sans faute de sa part et qu’il existait des obstacles insurmontables à ce qu’elle puisse jouir d’une vie familiale dans un autre pays. La Suisse est condamnée à verser 10’250 EUR pour préjudice moral à notre cliente et à sa fille en raison de leur longue séparation injustifiée.  

Les Nouvelles du CSDM / Décembre 2021

Depuis sa création en 2014 le CSDM a remporté des victoires significatives auprès des instances internationales. Notamment, ces deux derniers mois le CAT (Comité contre la torture des Nations Unies) et la CDE (Comité des droits de l’enfant des Nations Unies) ont rendu des décisions importantes en faveur de nos mandants, soulignant sans complaisance les manquements des instances nationales suisses et confirmant ainsi, une fois de plus, la nécessité de notre travail et notre expertise.

Pour en savoir plus sur nos activités récentes, voir notre Newsletter de décembre 2021.

Expulsion of stateless Palestinian child to Bulgaria: Switzerland violates the UN Convention on the Rights of the Child

The case of M.K.A.H. v. Switzerland, Communication No. 95/2019 involves the expulsion of a stateless Palestinian refugee child to Bulgaria under a readmission agreement between Switzerland and Bulgaria concerning persons in irregular status. The United Nations Committee on the Rights of the Child found that Switzerland had violated 10 different provisions of the Convention on the Rights of the Child in the underlying proceedings and asks Switzerland to reconsider the complainant’s asylum claim in light of its decision.    

The complainant (now 14) is from the Yarmouk refugee camp, Syria. He experienced the full brutality of the civil war with various warring parties laying siege to his village, and losing his father and several close relatives before fleeing with his mother in search of safe haven abroad. On his way to Switzerland, where he has extended family members, he passed through Bulgaria where he experienced racist verbal and physical abuse. He was granted subsidiary protection status but lived in degrading conditions in various camps without access to schooling or medical care for almost a year. He then came to Switzerland and sought asylum. Switzerland ordered him expelled back to Bulgaria as a “safe third country”.       

With the assistance of the CSDM, the complainant alleged inter alia that his expulsion was contrary to his best interests as a child (Art. 3) and would expose him to inhuman and degrading reception conditions (Art. 37). Also, such a removal would cut him off from the essential psycho-social support of his extended family in Switzerland in violation of his right to respect for family life (Art. 16) and would deprive him of the specialized care for trauma victims he was receiving, in violation of his right to rehabilitation (Art. 39).

The European Council on Refugees and Exiles (ECRE), Advice on Individual Rights in Europe (AIRE Centre) and the Dutch Council for Refugees intervened as third parties (click here for their intervention).

In its decision, the Committee found that the Swiss authorities had relied exclusively on the legal presumption that Bulgaria was a “safe third country” and would provide the necessary assistance to the complainant without considering available evidence to the contrary. The Committee observed that the Swiss authorities had failed to conduct any real analysis of the situation in Bulgaria and therefore had undertaken no serious assessment of the foreseeable consequences of the expulsion of the complainant and his mother.    

The Committee further found that the Swiss authorities did not consider the particularly vulnerable circumstances of the complainant – a child asylum seeker and traumatised victim of armed conflict – and had not “taken the necessary measures to conduct an individualised assessment of the risks that the child would in fact face in Bulgaria” (§10.7 our translation and emphasis) including notably whether he would have access to the specialized medical care necessary for his physical and psychological rehabilitation as required by Article 39 of the Convention.  

The Committee also found that the mother’s wellbeing could not be dissociated from the child’s own wellbeing since she was his only care provider. It observed that the Swiss authorities had not given any consideration to the mother’s serious mental health problems (PTSD related to her experiences of the war in Syria) and the question of whether she would have access to the necessary health services in Bulgaria and by implication, whether she would actually be able to take care of her child in the event of expulsion.

The Committee concluded that the Swiss authorities had violated Art. 3(1) because the best interest of the child had not been a primary consideration in the decision-making process. There was a further violation of Art. 12 because the Swiss authorities failed to hear the child in the asylum proceedings.  

Furthermore, the Committee found that the execution of the expulsion measure would violate inter alia the prohibition of torture and ill-treatment (Art. 37), the right to rehabilitation of a child trauma victim (Art. 39) and a violation of the child’s right to respect for family and private life (Art. 16).

Finally the Committee made a series of detailed requests to Switzerland concerning follow-up to its decision, including that Switzerland “urgently re-examine the complainants’ asylum requests” in light of its findings.