Partenariat avec le HCR pour renforcer le regroupement familial pour les réfugiés en Suisse

En partenariat avec le Bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstien, nous avons réalisé une étude sur le droit au regroupement familial des réfugiés en Suisse. L’étude analyse les domaines juridiques où la pratique suisse n’est pas conforme aux obligations de la Suisse selon la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, la CEDH ou d’autres sources de droit international public. Sur la base des conclusions de cette étude, nous avons lancé un projet multi-annuel 2017 – 2019 en partenariat avec le HCR pour renforcer l’accès des réfugiés au regroupement familial. Le projet se déroule sur trois axes principaux:

1) l’accompagnement juridique

2) le renforcement des capacités (“capacity building”)

3) les litiges stratégiques auprès de la CEDH et les organes de traité onusiens.

Le regroupement familial est un aspect clé des régimes nationaux de protection des réfugiés, et il est d’une importance capitale en particulier pour l’intégration réussie des réfugiés dans le pays hôte. Cela constitue aussi l’une des dernières possibilités pour qu’un réfugié puisse rejoindre sa famille en sécurité, sans devoir risquer sa vie en Méditerranée ou sur une autre route clandestine dangereuse.

Malgré son importance, le regroupement familial des réfugiés en Suisse souffre d’un nombre important d’obstacles juridiques, institutionnels et pratiques qui empêchent la pleine jouissance de ce droit. Ceux-ci comprennent de longs délais d’attente, des exigences financières difficiles ou impossibles à satisfaire, une définition étroite de la notion de “famille”, l’absence d’un droit automatique au regroupement familial pour les  membres de la famille qui ont été séparés par la fuite, et des processus de décision nationaux qui ne prennent pas toujours en considération l’intérêt supérieur de l’enfant.

Pour mieux comprendre comment aider les réfugiés à vaincre ces obstacles, le CSDM avec le soutien du HCR a préparé une étude approfondie sur les lacunes dans le régime suisse de regroupement familial. L’étude analyse de façon détaillée tous les domaines juridiques où la pratique suisse n’est pas entièrement conforme aux obligations de la Suisse selon la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, la CEDH ou d’autres sources de droit public international telles que la CDE, la CEDEF, la CEDR ou la CDPH. Une attention particulière est consacrée à des situations offrant la possibilité de litiges stratégiques devant la Cour européenne des droits de l’homme ou les organes de traités  des Nations Unies, Le Regroupement familiale des réfugiés en Suisse: Cadre juridique et considérations d’ordre juridique, CSDM/HCR 2017 (disponible aussi en Anglais et Allemand).

L’étude a relevé tout particulièrement la situation problématique des réfugiés au bénéfice d’un permis F, qui n’ont pas le droit de demander le regroupement familial pendant trois ans après l’octroi du statut de réfugié et qui ont de surcroît à faire face à des exigences financières sévères. Un autre point abordé concerne le droit au  regroupement familial pour les réfugiés détenteurs de permis B (y compris pour les liens familiaux constitués après leur fuite), droits définis de façon assez restrictive pour donner lieu à des doutes quant à leur conformité à l’art. 8 CEDH, étant donné que de strictes conditions financières sont aussi imposées. Un certain nombre d’autres cas pourraient s’avérer problématiques sous l’angle de l’interdiction de la discrimination de l’art. 14 CEDH en lien avec l’art. 8 CEDH. Parmi ceux-ci, il faut relever les droits au regroupement familial d’un réfugié avec un permis B s’agissant des membres de la famille qui ont été séparés par la fuite, comparés avec ces mêmes droits s’agissant des membres de la famille constituée après la fuite.

Parmi d’autres cas de figure offrant une possibilité de contestation sous l’art. 14 CEDH on peut mentionner le droit au regroupement familial pour un enfant réfugié comparé à un enfant suisse, et la différence entre le traitement d’un réfugié avec permis F, qui se voit interdire le regroupement pendant trois ans, et le traitement d’un réfugié avec permis B.

Certains scénarios, eux, se prêtent mieux à un litige devant un comité des Nations Unies. Des cas d’enfants réfugiés non accompagnés, en particulier, qui cherchent le regroupement avec leurs parents, pourraient être soumis au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies sous l’art. 22 CDE une fois que la Suisse aura ratifié le Protocole facultatif à la CDE. Les situations de mères qui ont des enfants en Suisse, et qui demandent le regroupement avec leur conjoint ou d’autres enfants, pourraient en sus être qualifiées de discrimination de facto contre les femmes au sens de la CEDEF, dans les cas où elles n’arrivent pas à remplir les conditions financières à cause de leur responsabilité de soins envers leurs enfants.